Aime-moi

Il me le susurre d’abord, c’est un conseil plus qu’un ordre, c’est une invitation. Aime-moi ; faisons équipe, je serai ta force et ton élan, ton énergie et ton moteur, je serai le pilier de toutes tes ambitions, la racine et l’engrais de tes rêves. Je serai là, toujours partant. Nous serons compagnons de route, amis sans faille et sans tabou, soutiens indéfectibles l’un de l’autre. Pour le meilleur et pour le pire. Je n’écoute pas, je n’entends rien, je trace ma route sans considération, comme s’il n’existait pas, comme s’il n’était pas là, sous mes pieds, dans mes veines, dans mes ombres et mes lumières, partout. Je l’ignore et je le néglige. Je le censure, je le maquille. J’ai mieux à faire.

Il me l’implore ensuite, me supplie à genoux. Aime-moi ; j’ai besoin de toi, j’ai besoin de ton amour, je m’émietterai en-dehors de ton regard bienveillant. Atrophié, anémié, desséché, consumé. Je n’y survivrai pas, et toi non plus. Regarde-moi. Embrasse-moi. Réanime-moi. Tu as besoin de moi tout autant que l’inverse, sinon dis-moi qui fera battre ton cœur, qui te donnera l’élan et te propulsera, qui fera fourmiller la vie sous ta peau et les rires sous tes lèvres ? Je t’inspire, tu m’oxygènes. Nous sommes siamois, indissociables, interdépendants. Ce que tu m’infliges, tu te l’infliges à toi-même. Reprends haleine, réveille-toi, nourris-moi. Au lieu de nous agoniser, succombe-moi.

Il me le hurle enfin, me met au pied du mur : il n’y aura pas d’issue si tu ne me choisis pas. Il n’y aura pas de joie, pas de frissons, pas de tourbillon dans la poitrine ni de papillons dans le bide, pas d’yeux écarquillés d’émerveillement, il n’y aura pas de larmes non plus et Dieu sait combien les larmes peuvent être essentielles. Il n’y aura plus d’amour nulle part si tu ne m’aimes pas. Que me reproches-tu, à la fin ? Je ne suis qu’une enveloppe, comment peut-on haïr autant de simples reliefs, des lignes, des creux, des bosses ?

Et j’abdique enfin, le barrage cède, les flots m’emportent. Pardon, merci, je t’aime. Tu es mon essentiel, ma priorité absolue. Pardon de l’avoir oublié et de t’avoir relégué au rang de rescapé. Je te suis si reconnaissante de te tenir encore là, debout, plus solide que jamais, et de supporter sans chanceler mon animosité, mes tempêtes, mes bourrasques, mes vengeances sans coupable. Merci. Laisser s’infiltrer l’indulgence en même temps que la tendresse. Soudain, le fracas des vagues devient caresse, le vent emporte les complexes, un rayon de soleil laisse se faufiler le frêle espoir d’une trêve.

Mon corps chéri, je t’aime.

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